Cour d’appel de PARIS, Pôle 2-Chambre 7, 17 octobre 2018, n° 18/01547

Cour d’appel de Paris, 17 octobre 2018, n°18/01547

En l’espèce, aux termes même du jugement déféré, face à de nouveaux arguments développés dans des écritures portées à la connaissance des parties adverses deux jours avant l’audience et s’appuyant sur de nombreuses pièces comportant des plannings et des tableaux chiffrés nécessitant une analyse et n’AH été communiqués que quatre jours ouvrables avant l’audience, le tribunal a rejeté la demande de renvoi qui n’apparaissait pas dilatoire sans pour autant autoriser le dépôt de notes pendant le cours du délibéré, puis a refusé d’examiner la note qui lui était adressée en cours de délibéré, alors que la clôture des débats n’intervenait qu’au prononcé du jugement. Dans ces conditions, le principe de la contradiction et celui de l’égalité des armes qui relèvent du procès équitable n’ont pas été respectés.

Arrêt cité.

« Sur la nullité du jugement

Avant toute défense au fond, les parties civiles font valoir qu’AH reçu de la part des prévenus 29 pièces par courriel du 24 novembre 2017, puis des conclusions comportant notamment des exceptions par courriel du 28 suivant, elles n’ont pu utilement préparer leurs arguments de fait comme de droit pour l’audience de plaidoiries du 1er décembre à laquelle elles ont demandé au tribunal le renvoi de l’affaire aux fins de respect du principe du contradictoire, que le tribunal ayant rejeté leur demande de renvoi, leur avocat a assisté à l’audience mais a refusé de plaider, que celui-ci a adressé le 24 janvier 2018 au tribunal, pendant son délibéré, une note comportant leurs éléments de réponse et de contradiction, que le conseil des prévenus a également fait parvenir une note en délibéré sollicitant le rejet de la note adverse, que le tribunal a rendu un jugement le 26 janvier 2018, date annoncée à l’audience de plaidoiries, aux termes duquel il indique avoir refusé de prendre connaissance des notes en délibéré.

Dans leurs conclusions développées oralement par leur conseil, les parties civiles soutiennent que le jugement déféré est nul pour avoir méconnu les dispositions de l’article 593 du code de procédure pénale en l’absence de motivation suffisante sur le rejet de la demande de renvoi, les dispositions de l’article 460 du code de procédure pénale pour avoir rejeté les notes en délibéré sans avoir sollicité l’avis du ministère public et Îes principes de respect du contradictoire et de l’égalité des armes édictés par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme K C et M. I AC, intimés, répondent que la nullité du jugement n’est pas encourue dès lors que l’article 593 du code de procédure pénale ne s’applique que lorsque le jugement est rendu par défaut, qu’au demeurant, le refus du renvoi est parfaitement motivé, que le principe de l’oralité des débats s’oppose à ce qu’un avis soit demandé au ministère public quand une note en délibéré est adressée aux juges, qu’à l’audience, la contradiction des échanges sur le renvoi a été parfaitement respectée et qu’il n’y a eu aucune atteinte à l’égalité des armes, le conseil des parties civiles ayant délibérément décidé de se taire à l’audience, sans solliciter l’autorisation préalable d’adresser une note en délibéré.

Le ministère public déclare s’en rapporter à justice.

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose notamment que :

«1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit. entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…)

3. Tout accusé à droit notamment à :

b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c. se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;« 

Ces dispositions qui garantissent un procès équitable devant un juge civil comme pénal sont d’application directe aux instances introduites devant les tribunaux français.

En l’espèce, aux termes même du jugement déféré, face à de nouveaux arguments développés dans des écritures portées à la connaissance des parties adverses deux jours avant l’audience et s’appuyant sur de nombreuses pièces comportant des plannings et des tableaux chiffrés nécessitant une analyse et n’ayant été communiqués que quatre jours ouvrables avant l’audience, le tribunal a rejeté la demande de renvoi qui n’apparaissait pas dilatoire sans pour autant autoriser le dépôt de notes pendant le cours du délibéré, puis a refusé d’examiner la note qui lui était adressée en cours de délibéré, alors que la clôture des débats n’intervenait qu’au prononcé du jugement.

Dans ces conditions, le principe de la contradiction et celui de l’égalité des armes qui relèvent du procès équitable n’ont pas été respectés.

En application de l’article 802 du code de procédure pénale, le jugement rendu par le tribunal correctionnel doit être annulé, l’impossibilité pour les parties civiles comparantes de pouvoir s’expliquer sur des pièces techniques et des arguments nouveaux du fait du court délai ayant séparé la communication des pièces et les écritures de la partie adverse d’une part et l’audience d’autre part leur ayant nécessairement causé un grief.

Sur le fond, l’annulation du jugement entraînera l’obligation pour la cour de statuer sur Jes intérêts civils, dès lors que seules les parties civiles ont fait appel.« 

Cette décision a été publiée sur le site Doctrine.